Interview de Benjamin Berget
Rédac chef du mag’ Le Marteau & l’Enclume
Bonjour à tous ! Aujourd’hui, je vous propose de découvrir un magazine qui traite de l’actualité des jeux de rôle (un peu) et des Livres dont vous êtes le héros (beaucoup). J’ai eu l’opportunité d’échanger avec le rédacteur en chef du magazine Le Marteau & l’Enclume. Si vous êtes fan des LDVELH, je sais que vous brûlez d’en savoir plus sur cet univers. Découvrons ensemble son travail et celui de son équipe ! ✒️
Quelle est la mission de votre magazine au sein de la communauté des Livres dont vous êtes le héros ?
Le Marteau : Vous étonner, même si vous avez tout lu, tout joué et pensez tout savoir ! Il y aussi une dimension patrimoniale qui nous anime, car les auteurs de notre enfance ne sont plus « tous jeunes », bien sûr. Recueillir leurs témoignages est émouvant et souvent surprenant.
Quelles sont les rubriques que les lecteurs peuvent retrouver dans votre magazine ?
Le Marteau : Le magazine aborde une saga littéraire dans sa totalité. Pour le quatrième numéro sur Loup Solitaire, nous avons par exemple critiqué les trente volumes parus en France. Il y a donc beaucoup d’analyses de livres, mais aussi des interviews exclusives des auteurs et illustrateurs, parfois des éditeurs et traducteurs. En bonus, j’aime dénicher des archives oubliées, ou publier des mini-jeux.
Comment choisissez-vous les rédacteurs et autres créatifs qui font le magazine ?
Le Marteau : Mon premier article publié dans la presse professionnelle remonte à 2011 chez Geek Magazine. J’ai roulé ma bosse depuis, et parfois je rejoins des amis dans leurs délires, comme fonder en 2013 une association et lancer le magazine de jeux vidéo Retro Playing avec Franck Latour (L’Enclume). D’autres fois, c’est moi qui me lance et suis rejoint par des amis, ce qui donne Le Marteau & L’Enclume.
À qui s’adresse Le Marteau & L’Enclume ?
Le Marteau : Notre lectorat, nous le rencontrons lors des conventions sur les jeux. Il nous ressemble : les tempes grisonnantes pour les plus « jeunes », la barbe intégralement blanche, voire le crâne chauve pour les anciens ! Lors de la dernière convention que j’ai faite en compagnie de Gauthier Wendling, nous étions placés à côté d’un stand de retrogaming. Les ados passaient devant notre stand pour se jeter sur les manettes de la Super Nintendo. Leurs parents et grands-parents s’arrêtaient chez nous, avec à chaque fois ou presque la petite étincelle quand leur regard tombait sur les exemplaires originaux des Livres dont vous êtes le héros que nous exposions. « Hey, je l’avais celui-là ! » était le point de départ d’un quart d’heure de discussion autour de La Quête du Graal ou de Loup Solitaire.
Mais parler aux jeunes, c’est bien aussi, non ?
Le Marteau : Les ados qui défilaient pour jouer à Street Fighter 2 lors de la convention ne lâchaient pas la manette facilement, preuve qu’ils prenaient du plaisir malgré le grand âge du jeu. En faisant l’effort d’essayer cette relique, ces jeunes étaient en mesure de comprendre d’où vient le dernier Street Fighter. Notre démarche est un peu la même que le retrogaming : revisiter un grenier contenant des antiquités qui ont un sens profond pour nous. Mais transmettre ce sens à la jeune génération n’est pas chose aisée !
Quel est ce sens, au juste ?
Le Marteau : Notre but est de partager avec les joueurs de notre âge des plaisirs et des coups de gueule. Si en plus nous arrivons à faire passer aux plus jeunes un patrimoine ludique non pas fait de pixels, mais de papier, alors c’est gratifiant.
Voilà une bien noble mission…
Le Marteau : Ne le dites pas trop fort, sinon mes rédacteurs vont pendre la grosse tête ! Nathalie Szoc, ma formatrice à l’IUFM, disait toujours « Méfiez-vous… de vous ! ». Il est tentant de brandir notre expérience comme un totem d’immunité, et au final de passer pour d’horribles « Je-sais-tout ». Bien que la plupart de nos rédacteurs soient des enseignants, nous ne sommes pas là pour administrer des cours de science du jeu. La première chose que les lecteurs voient en ouvrant l’un de nos numéros, c’est le trombinoscope avec nos avatars, assortis d’un surnom ou d’un commentaire ironique. Les lecteurs savent d’emblée que nous ne sommes pas là pour étaler notre science. Laissons-ça à ceux qui se prennent au sérieux !
C’est aussi aux éditeurs de dresser un pont avec les jeunes, non ?
Le Marteau : Gallimard Jeunesse essaye de le faire. J’ai d’ailleurs pu constater dans les conventions que la dernière édition des Livres dont vous êtes le héros, écrits en gros caractères et ornés de couvertures colorées, marchaient mieux auprès des nouveaux lecteurs. Les originaux, avec leurs couvertures craquelées, leur tranche jaunie par les ans, leur odeur tenace de grenier et leurs Feuilles d’aventure martyrisées, n’attiraient que les connaisseurs !
D’autres éditeurs sont-ils sur le coup ?
Le Marteau : Il y a Alkonost et Posidonia, mais ce sont de nouveaux éditeurs spécialisés et leurs moyens, limités, sont dirigés vers un public nostalgique qui aime Dave Morris et Jonathan Green (tous deux invités au dernier Festival International des Jeux de Cannes, et interviewés dans notre magazine). Ça me va d’autant plus que republier des anciens titres peut contribuer à casser la spéculation sur les boutiques en ligne. Il y a clairement de l’abus de la part de certains revendeurs, qui exigent plus de cent euros pour un seul livre ! Mais c’est peut-être hors-sujet. Si la question est d’intéresser les jeunes aux livres-jeux, on a un bon exemple avec La Forteresse du Chaudron Noir. Comment l’éditeur a-t-il récolté 3,7 millions d’euros lors des campagnes de financement participatif des deux volumes ? Eh bien, l’auteur se nomme Bob Lennon, un youtubeur qui sait parler aux ados.
Avez-vous d’autres exemples ?
Le Marteau : La youtubeuse Andy Rowski (aka Andy Raconte) s’est mise également aux livres-jeux : La pire soirée de ta vie, Death Escape, La Croisière de l’enfer. Si elle continue à en faire, c’est que ça doit se vendre.
Quand on a un ou deux millions d’abonnés sur sa chaîne, c’est plus facile de promouvoir ses créations.
Le Marteau : Certes, mais on a un contre-exemple avec Kemar, un autre youtubeur à succès, qui a produit Le Livre dont vous êtes le zéro. Ce livre-jeu était à sa sortie en tête de gondole dans les Fnac, avant de se retrouver quelques mois plus tard à trois francs six sous dans les bacs en vrac des NOZ.
Hors de YouTube, point de salut ?
Le Marteau : C’est un peu pareil pour le jeu de rôle. J’ai le souvenir que FibreTigre a indiqué que s’il n’y avait pas de joueurs célèbres qui amenaient leurs communautés, l’émission Game of Rôles ferait environ moitié moins d’audience. Cela dit, quelques éditeurs arrivent à tirer leur épingle du jeu, je pense à ceux répertoriés sur votre site. Et en particulier à 404 Éditions, qui a bousculé le secteur du livre avec sa collection des Escape Books, inspirés des jeux d’évasion en grandeur nature. La mode s’est un peu calmée à présent, mais notre rédacteur Gauthier Wendling raccroche les wagons avec la jeune génération en proposant des livres-jeux basés sur Minecraft. Chez un autre éditeur, PlayBac, on a des best-sellers en Jeunesse avec les livres-jeux basés sur Fortnite.
On ne s’éloigne pas un peu-beaucoup des classiques Défis Fantastiques, là ?
Le Marteau : Forcément, et le décalage est d’autant plus grand suivant votre taux de nostalgie dans le sang. Le Labyrinthe de la Mort illustré par Iain McCaig, ce n’est vraiment pas la même chose que par Vlado Krizan, qui nous a fait de la bouillie numérique dans la dernière édition. Mais il faut à présent que tout soit aseptisé, consensuel et numérique, alors…
C’était mieux avant ?
Le Marteau : Pour le contenant, incontestablement. À l’heure des polémiques inflammables sur les réseaux sociaux, la hantise des éditeurs est d’avoir les mères de famille sur le dos. L’autre cause est technique : la tablette graphique, avec par-dessus le marché les IA en ligne, a standardisé les codes esthétiques. Des couvertures sans âme, c’est souvent le prix à payer pour que les vieilles licences soient de nouveau dans les bacs des librairies. Pour le contenu, c’est différent : jamais les textes des auteurs « stars » n’ont été aussi riches que de nos jours.
À qui pensez-vous ?
Le Marteau : Aux poids lourds du milieu des Livres dont vous êtes le héros. Le nouveau Steve Jackson, Les Mystères de Salamonis, est sorti en mai 2023 et on attend le nouveau Ian Livingstone, Les Géants de Fer, pour mai 2024 en France. Concernant Loup Solitaire, la dernière aventure intitulée Light of the Kai en VO sera divisée en deux volumes prévus pour octobre 2024 et octobre 2025.
Quel est le thème du dernier Le Marteau & L’Enclume ?
Le Marteau : Avec l’équipe, on a bien déblayé le thème de l’héroïc-fantasy en neuf numéros, alors on commence à explorer d’autres voies. Notre dixième numéro est consacré à Sherlock Holmes dans les livres-jeux, mais aussi dans la pop culture : une annexe concerne les jeux vidéo, jeux de société, films et séries télévisées. Notre onzième numéro est dédié à une figure à la mode dans les années 1980 : le ninja ! Nous parlons des Défis Fantastiques avec une ambiance asiatique, mais surtout de la populaire saga La Voie du Tigre qui va être republiée chez nous l’année prochaine.
Pour les lecteurs intéressés, où peuvent-ils se procurer votre magazine ?
Le Marteau : Le plus simple consiste à commander sur Amazon.
Vous pouvez aussi commander via la boutique sur notre site.
Votre magazine propose-t-il des formats numériques ?
Le Marteau : Le Marteau & L’Enclume était au départ un webzine sur la pop culture, et nous avons gardé les deux formats lorsque nous nous sommes spécialisés dans les livres-jeux en 2021.
Quel message souhaiteriez-vous adresser à nos lecteurs pour les encourager à découvrir votre magazine ?
Le Marteau : Le Marteau & L’Enclume, c’est le plaisir des Livres dont vous êtes le héros sans l’odeur du grenier ! Merci pour cet entretien et longue vie à Passion Livres-Jeux !
Merci à Benjamin Berget de nous avoir partagé toutes ces infos très intéressantes !
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Hello à tous ! Je suis Marjo, passionnée de livres-jeux et d’expériences immersives ! Je déchiffre les énigmes plus vite que mon ombre et je suis souvent accompagnée de mon petit acolyte de 5 ans qui se défend plutôt pas mal. La légende raconte que je ne serais jamais restée enfermée dans un escape game… Et moi j’aime bien croire ce qu’on raconte.
IRL : Je suis réviseure linguistique post-traduction anglais/français et relectrice-correctrice de tous vos ouvrages ludiques.